Voyage en Algérie

Mai 2010
Arabian People & Maghrebian World
« Voyage en Algérie : à la rencontre de Farid Benyaa, peintre et plasticien »
Par Fadéla Chaim-Allami

Arabian People & Maghrebian World a eu le bonheur de rencontrer, en mars dernier, le peintre-plasticien Farid Benyaa, en sa galerie située sur les hauteurs de la capitale algérienne. Rencontre rarissime car Farid Benyaa fait partie des grands noms de la peinture algérienne et même s’il est d’un abord engageant, il n’en demeure pas moins qu’il est un « Maître » et c’est avec beaucoup de déférence que l’on aborde une telle personnalité.

Dans sa magnifique galerie, ouverte en novembre 2000, tout prête au silence et à la délectation : le décor puriste, dans les tonalités du blanc et du noir, les sculptures aux lignes dépouillées. La lumière intérieure est subtilement mélangée à celle du soleil et des murs d’un blanc monacal.

On plonge dans la rencontre avec les œuvres exposées avec attention car tout sollicite le regard et de ce fait, tout est silence. Pour mieux voir. Habituellement, nous sommes au fait des couleurs que Farid Benyaa rend dans ses toiles. Ce jour-là, c’était une symphonie en noir et blanc. Au-delà du trait rigoureux de l’architecte – car le peintre est sorti de l’Ecole polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme d’Alger – il y a ce plus, ces détails, renforcés par l’encre de Chine alors que d’habitude cette technique rend la scène comme figée, il y a donc cet ensemble de peinture, de traits pleins, de jeux du noir et blanc des tableaux exposés, qui font que l’on se prend au jeu de la recherche en profondeur…

… comme cette merveilleuse jeune épousée où pudeur, sexualité transcendée planent sur les yeux baissés sous un front alourdi par la coiffe d’apparat et traditionnelle des mariées algériennes…

… ou comme cette superposition de visages féminins dont le regard profond est comme une fêlure, déchirant le fond blanc de la toile. C’est « mettre en scène l’invisible » : couleurs ou encre de Chine, peinture ou aérosols, tout éclaire cet invisible que l’œil observateur débusque au détour d’une volute, d’une main, d’un regard baissé mais laissant filtrer la pupille, la cambrure d’une hanche ou la fougue d’une monture.

Farid Benyaa regarde, prend ce que son œil voit depuis l’intérieur de l’objet ou du corps, ce que son inspiration dévoile. Il déshabille le silence pour le rendre parlant, il s’attarde sur la pose d’un musicien. Ou s’extasie sur la luxuriance d’une ruelle de la Casbah, lui qui travaillera durant trois ans à sa restauration avec une équipe de l’Unesco. Entre plusieurs expositions en Algérie et à l’étranger (Genève, Ankara, Paris …).

Cependant, le Maître n’est pas seulement rivé à sa toile, il a d’autres univers qu’il met en scène, dans cette galerie qui, il faut le dire, prête à s’y asseoir longuement pour absorber la beauté finement ciselée de tout ce qui vous entoure : la culture avec un grand « C » où pianistes et violonistes de talent, poètes, romanciers, philosophes, comédiens, conférenciers d’Algérie et d’Ailleurs sont au rendez-vous : « soirée théâtralisée » sur Nizar Kabbani, lecture-débat autour de « On dirait le Sud », roman de Djamel Mati, en présence de poétesses et romancières comme Nadia Sebkhi, ou manifestation culturelle avec exposition autour du thème « Journée internationale de l’enfance ».

Farid Benyaa est un esthète. Rarissime dans un pays qui cherche à respirer … et c’est cette idée qui est la trame du lancement des rencontres mensuelles « Point de vue » où un parterre de personnalités du monde de la culture et de personnes en recherche d’espaces se réunit pour discuter, penser sur de grands et petits thèmes comme parler dans l’absolu, parler de soi ou des autres sans jugement et, surtout, « être une voix et non un écho »…

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