03 Juin 2024
El Watan
« Fermeture de la galerie d’art Farid Benyaa à Alger : Vers un redéploiement dans un autre
espace »
Article de Nacima Chabani
La galerie d’art privée Farid Benyaa a fermé définitivement ses portes, samedi 1er juin, à Alger, après 24 années d’activité.
Amis, proches et clients ont été conviés, samedi après-midi, à une collation, une forme d’au revoir, à la galerie d’art Farid Benyaa, après un quart de siècle d’existence. Nombreux sont ceux qui ont fait le déplacement pour remercier l’architecte et artiste peintre Farid Benyaa pour ce qu’il leur a apporté durant ces années.
Ainsi, c’est dans une ambiance empreinte de beaucoup d’émotion et d’affection que plusieurs amis de cœur se sont succédé pour témoigner du fabuleux travail que Farid Benyaa a fourni tout au long de ces 24 années bien pleines.
D’ailleurs, lorsqu’il a ouvert sa galerie éponyme «Farid Benyaa» le 23 novembre 2000, il ne pensait pas durer aussi longtemps et qu’il deviendrait non seulement un lieu d’art, mais aussi un lieu où des amitiés sincères se sont tissées entre belles âmes. Si au départ, Farid Benyaa avait préféré exposer uniquement ses œuvres, par la suite, son espace était devenu pluridisciplinaire.
En effet, la galerie accueillait sporadiquement des acteurs de la scène picturale, littéraire, poétique et même musicale. Le galeriste se souvient des vernissages qu’il organisait, tous plus riches les uns que les autres et qui étaient de beaux moments d’échange et de partage. Ainsi, un florilège de témoignages a ponctué les derniers instants passés à la galerie Benyaa.
Modestie et ouverture d’esprit
Dans son intervention, la directrice d’Artissimo, Zafira Ouartsi, n’a pas caché son affection pour le travail et surtout pour la modestie et l’ouverture d’esprit de Farid Benyaa. De son côté, l’auteur et l’ancien gérant de la défunte librairie Espace Noûn, Arezki Tahar, révèle que cela fait 15 ans qu’il connaît la galerie. «Il me reste des images dans la tête de la première fois où je suis venu ici. Le travail de Farid Benyaa m’avait impressionné que se soit dans ses livres, ses peintures et ses sculptures. Je ne connais pas très bien son travail d’architecte, mais je sais qu’au niveau de la peinture, de l’écriture et de la sculpture, il excelle. Il faut mieux se reprendre et continuer. Sinon, il y a comme un manque. On devient addict quelque part. La culture, c’est un besoin. Cela nourrit.»
Abondant dans le même sens, l’ancien directeur du Bastion 23, Madjid Belkacem rappelle que l’amitié qui le lie à Farid Benyaa date des années 1980. Il estime que Farid est un transcendant. Il parle d’émotion. Il évolue dans un multiple univers. «Ce multiple, on le voit et on le conçoit dans ses grandes planches avec cette vision globale et très large de la baie d’Alger sur trente mètres.
C’est un travail magnifique qui a été réalisé durant sept longues années. Le temps de notre révolution algérienne. Je suis venu plusieurs fois dans la galerie en allant à la découverte de l’autre. Je souhaite beaucoup de courage à Farid. Je sais qu’aujourd’hui et demain, pour lui, c’est juste une transition», témoigne-t-il avec beaucoup de sincérité. S’exprimant par la même occasion, le docteur en géologie, musicologue et musicien Nourreddine Saoudi demeure persuader que la fermeture de la galerie n’est qu’une escale pour l’artiste, et ce, dans le cadre de son travail, de son expérience et dans le petit univers qui le caractérise. «Mais toi aussi, tu as été pour nous une escale.
On ressort de cette galerie avec cette sensation d’avoir emmagasiné des ondes positives. On t’en remercie pour cela. Je pense que ce n’est qu’une étape et que des projets sont en train de se matérialiser. Bonne vibration et bon déploiement», lance-t-il en s’adressant avec douceur et amitié à Farid Benyaa. La moudjahida et écrivaine Zoulikha Boukadour a tenu également à apporter son témoignage. Elle avoue qu’elle aurait voulu connaitre l’artiste plutôt, mais hélas, les circonstances ne lui ont pas permis. «Cependant, je suis tout de même contente de vous avoir connu, entouré de toutes ses personnes qui disent des choses tellement agréables et profondes sur vous. Un homme qui a donné beaucoup à son pays. Je ressens tout ce que doivent penser les personnes qui sont là. Je vous dis merci et j’espère vous rencontrez souvent», dit-elle en s’adressant à Farid Benyaa.
Force tranquille
Pour la poétesse Fouzia Laradi, c’est toujours un petit pincement au cœur de voir fermer un tel endroit qui a existé pendant un quart de siècle. «Nous sommes venus, aujourd’hui pour lui adresser nos sentiments, nos remerciements et lui dire qu’on espère que c’est seulement un passage vers un autre horizon plein de couleurs, de beauté et d’amour», indique-t-elle.
Quant à l’universitaire et plasticien Jaoudet Gassouma, il considère Farid Benyaa comme un personnage protéiforme. «C’est-à-dire, explique-t-il, c’est un personnage avec plusieurs facettes et cette facette forme une mosaïque formidable parce qu’il va avec une vision esthétique très avancée. Il porte en lui le rêve, la résilience et la réalisation.
C’est un grand architecte et bâtisseur. Sa galerie va, certes, fermer, mais je suis sûr que c’est un départ vers d’autres aventures. Nos sommes certains qu’il va se redéployer très vite».
En aparté, le galeriste Farid Benyaa nous confie d’une voix étranglée que les circonstances veulent qu’il ferme sa galerie non pour des raisons financières mais parce que le propriétaire a décidé de vendre le local. «Je ferme mon espace avec cette satisfaction d’avoir organisé tellement d’événement, de rencontres, de connexion, de passerelles, de vases communicants que évidemment, aujourd’hui, j’ai eu un retour d’écoute du public, d’amis, d’artistes, d’architectes, de plasticiens qui ont témoigné parce qu’ils ont été acteurs dans mes manifestations. Pour moi, c’est aussi un retour d’écoute qui me rassure, me réconforte et qui m’encourage d’aller toujours plus haut et plus loin».
Sur la même lancée, notre interlocuteur rappelle qu’il a toujours eu son atelier d’architecte qui est devenu son atelier d’art. Il révèle que cet espace deviendra d’ici quelques mois un espace d’accueil et d’exposition.