Farid BENYAA inaugure sa galerie d’art

Décembre 2000
La Tribune
« Farid BENYAA inaugure sa galerie d’art »

C’est le désir de se libérer, d’aller de l’avant à la découverte d’autres expériences, d’autres horizons qui aura participé à la concrétisation de ce projet de galerie que Farid BENYAA caresse depuis plus de trois ans. Une galerie qui servira tout d’abord les œuvres de son créateur mais qui ne se détournera pas dans un deuxième temps des œuvres de jeunes talents.

Du nouveau sur «le marché de l’art» algérois. Une galerie d’exposition-vente privée vient d’être inaugurée. L’architecte-artiste-peintre BENYAA est l’artisan de cette heureuse initiative. Un vieux rêve qui se réalise.L’inauguration de cette galerie d’art, qui s’est donnée le temps de naître et de se faire connaître, s’est entourée d’une discrétion de bon aloi. En fait, à bien y regarder, la discrétion semble être un trait d’esprit de l’artiste lui-même. Ce dernier l’insufflerait à tout ce qu’il créerait. Et comme la galerie est l’une de ses créations, on ne peut, dès lors, s’étonner de la voir nichée dans son coin sous le regard condescendant de la grosse bâtisse qu’est la clinique de cardiologie de Bir Mourad Rais. Sans l’auvent jaune qui surmonte l’entrée de la galerie, on pourrait passer juste à côté sans même la remarquer.

Le carillon de la porte qu’on ouvre salue l’entrée du visiteur. A l’intérieur, le monde de BENYAA vous attend. La vingtaine de mètres carrés de l’espace de la galerie sont judicieusement occupés. Sur les murs de droite et de gauche, les cimaises qui recevront les toiles. Au fond, un bureau au design moderne, conception Farid BENYAA, limite l’espace de la galerie. Derrière le bureau, un auvent du même style moderne dissimule l’espace convivial que forme le living-salon. Le regard, après avoir balayé tout l’espace, revient aux toiles accrochées. Il s’aiguise et se vrille sur la première œuvre. C’est de l’art figuratif au sens littéral du terme. La finesse du détail et la délicatesse du trait confère à la Révoltée un réalisme qui la transpose du figuratif au dessin réaliste.

«Le diable est dans le détail», dira plus tard Farid pour reprendre une maxime d’architecte. Et à voir avec quelle minutie le rapidographe trace les détails qui se lient et s’unissent pour dessiner l’idée. L’idée deviendra idéal de liberté et de combat contre ces personnages et ses mains enserrant le visage dont la bouche est ouverte sur le cri muet jaillissant des tréfonds de la révoltée. Un cri contre une condition. Un trait pour une libération, pour la volonté dechangement, même par le combat, que distille ce regard noir. C’est avec un même souci du détail que la pointe dessinera le bonheur dans le sourire de la femme de la Cérémonie à Bou Saada. Le thème plonge ses racines jusque dans les effluves du couscous de la cérémonie. Et quand le symbole s’en mêle, c’est l’Enfance cadenassée qui vous suggère l’asservissement. Le rotring tracera le symbole de l’emprisonnement. Une clef et un assarou (cadenas targui) symboliseront la soumission de la petite fille et du jeune garçon au diktat de l’adulte. Ni les bras protecteurs de la mère ni son regard mélancolique ne pourront desserrer le carcan. Et quand l’œuvre Azar (racine) chante et déborde de joie, elle éclate le cadre. Plus rien ne la retient. Elle n’a d’autres attaches que celles de ses izouranes, (pluriel de azar) qui, en la rattachant à l’ancêtre symbole, la libèrent en même temps des entraves d’une culture empruntée.

Plus loin, Farid BENYAA nous propose une balade dans les ruelles de la Casbah que l’architecte connaît pour avoir travaillé sur son hypothétique restauration. Pointes et pinceaux fleuriront les venelles. Les pavés débordent de couleurs et éclaboussent la sombre perspective des boyaux de la Casbah. Quand les particules lumineuses de couleurs débusquent les coins sombres et débouchent les perspectives, le noir se glisse dans le voile de la femme, dans les contre-marches ou les solives d’un Encorbellement. Le figuratif fera une virée dans le désert pour le troisième thème de l’exposition. Les Touareg sont à l’honneur. L’encre de Chine trace l’horizon dénudé du targui et habille son monde de ces gestes millénaires qui tutoient le temps.

Et pour exorciser le diable, Farid BENYAA laisse courir ses pinceaux sur les vastes landes de l’art moderne. Corrida, Particules, Empreinte, Espace-temps, Voile et Invisible sont l’exutoire «colonial» de l’architecte pris dans les rets du détail. C’est certainement ce même désir de se libérer, d’aller de l’avant à la découverte d’autres expériences, d’autres horizons qui aura participé à la concrétisation de ce projet de galerie que Farid BENYAA caresse depuis plus de trois ans. Le projet est enfin réalité. Une galerie qui servira tout d’abord les œuvres de son créateur mais qui ne se détournera pas dans un deuxième temps des œuvres de jeunes talents. «Les vieux n’ont pas besoin de publicité, dira Farid, c’est les jeunes qui ont besoin de se faire connaître. C’est pour cela que je n’exclus pas l’idée d’ouvrir, dans une deuxième étape, ma galerie à leurs œuvres.»

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