Janvier 2016
Extrait du livre d’art « Algériennes, source du futur »
rédigé par Djamel Mati
Algériennes, une.
La date butoir arrive à terme et je n’ai encore rien écrit sur elles. Je marche dans la grande avenue, comme on marcherait dans le désert, l’esprit et les sens en éveil à ce qui m’entoure. Caché derrière de grosses lunettes noires, fouillant le flux et le reflux de la foule à la recherche d’un visage, un seul visage, qui me suggérerait, je l’espère, les mots, les quelques mots, pour les décrire toutes. Dans tous les parcs de la ville, les roses de toutes couleurs viennent tout juste d’éclore. De loin leur parfum m’enivre, je le respire et m’inspire. Affluant de toutes parts, dans les contrastes des teintes et des formes, peau claire ou foncée, visages si fragiles, mais difficiles, paisibles, pensifs, sibyllins ou accessibles, cheveux lâchés ou attachés, postures élégantes, modernes et traditionnelles à la fois, défilent. Traversés par un éther luminifère, mes yeux s’éveillent de l’intérieur, kaléidoscope réfléchissant les ocres et pastels. Ombres et lumières. Les figures nues ou cachées par la volonté d’une simple fibule laissent entr’apercevoir des âmes d’une profonde quiétude sans attaches, libérées.
Mes pensées se déchirent, je ne trouve pas assez de mots pour en retenir les plus utiles. Ceints de bijoux ou nus, les fronts, faisant barrage aux cieux capricieux, parfois difficiles pour elles, me parlent. Le cœur envahi par la débauche de séduction qu’elles dégagent, je cherche une petite place dans les regards, lumineux, nomades, qui me frôlent, puis disparaissent. Fascinations, présences furtives, vertiges. Les yeux, puits insondables où se perdent toutes les nuances de la lumière, caressent de leurs cils un désert inondé de douceur, fusionnant le sable et l’eau. Dans un coin de la tête, je consigne ces jolis signes visibles. L’inobservable est meilleur, je le devine. Leurs arcanes sont trop profonds, creusés entre la pierre et le feu, dévoilés en un battement de paupières, raconté par une bouche entrouverte, gardienne du langage intérieur, soufflant le chaud et le froid par endroits, en une noue amoureuse ou boudeuse, réceptacle et collectrice de Vie, pétales échancrés. Elles défilent devant moi, trop rapidement, sublime sensation. Un seul visage me suffira pour imaginer les silhouettes voilées ou habillées de tissu printanier.
Je continue de chercher, au milieu des haïks aérés, des robes légères et des jeans serrés, en quête de ma préférence, à moi… pas facile. Le temps passe à pas de géant, la brise de leur fraîcheur ne m’apporte que quelques mots bleus, roses et verts. Me souviendrai-je de toutes, une fois face à mon ordinateur ? Difficile de faire un choix. En tout cas, pour moi. Ah ! Si mon ami l’artiste était à mes côtés, lui aurait su comment peindre toutes les émotions que dégagent
ces beaux visages. J’arpente toutes les artères, mes sens aux aguets. Une ombre s’arrête. Une présence. Le réel éclaircit mes lunettes noires. Mon vieil ami. Il me demande ce que je fais dans la rue à dévisager toutes les femmes qui me croisent. Je souris timidement, avant de répondre gauchement.
Je m’abreuve de toutes leurs colorations naturelles et complémentaires, de tous leurs traits purs et si particuliers afin de ressentir, un bref instant, le mystère de l’éternel féminin.
Suis-moi, je vais te montrer quelques toiles, me dit-il en me prenant par le bras. Une noirceur charbon s’étale à nouveau devant mes yeux et, je me laisse guider par Farid Benyaa.
Ah ! Si ce n’était que fiction…