Avril 2008
Article de Nassima TOUISI
Réda Khaznadji et son Quatuor
C’est à la galerie d’art Benyaa, en l’après-midi du 28 février dernier, que furent ressuscités Bach, Vivaldi, Mozart, Bartók et Haydn. Ces génies de la musique universelle, dont les compositions demeurent immortelles, ont retrouvé vie grâce au talent de Réda Khaznadji, El-Hadi Benaïssa, Ahmed Bouzid et Tahar Zartout. Les quatre jeunes musiciens, ne dépassant pas la trentaine, ont joué avec habilité La petite Musique de Nuit de Mozart, Les Quatre Saisons de Vivaldi, La suite de Bartók et les Chants de Haydn, dans un espace où l’art s’étend vers plusieurs langages.
Le spectacle sublime a débuté par une interprétation, en solo, de la Courante et du Menuet de la 1ère Suite de Jean Sébastien Bach, au violoncelle et au violon, La suite de Bartók, à la guitare et Istikhbar Hidjaz, au trombone.
Ont suivi des jeux en duo, invitant ainsi, en un premier temps, le violon et la guitare à accorder leur note pour jouer le fameux Canon en ré majeur de Johann Pachelbel.
Mais le violon, épris du violoncelle, s’en est allé le courtiser galamment en lui chuchotant tout bas, la poésie des Chants de Haydn.
Quand le trombone rentre en scène et impose ses sons, sur La Petite Musique de Nuit de Mozart, les archets glissent encore sur les cordes des instruments qui finissent par s’unir, harmonisant ainsi leurs tessitures complémentaires.
A la fin du concert, cherchant la note pure, les 4 instruments rentrent en communion au-delà des sons et chantent à l’unisson, les Quatre Saisons de Vivaldi.
Prolongeant l’euphorie de l’instant et ne voulant pas interrompre leur discours si aguichant, le violon et le violoncelle terminent à se séduire sur la Valse de Chostakovitch.
Le Quatuor clôt le spectacle sur des improvisations, en implantant dans le cœur des habitués des lettres et de la peinture, restés muets, mais les sens en éveil, une écharde de douceur réinventée par la magie d’une musique mielleuse et harmonieuse, le temps d’un rêve.
Entretien avec Réda Khaznadji
M. Réda Khaznadji, comment avez-vous débuté dans la musique classique?
J’ai baigné dans la musique, depuis mon jeune âge. Mon oncle Abdellah, aujourd’hui décédé, était musicien, ainsi que deux de mes cousins. J’habite un quartier peuplé de mélomanes et de musiciens dont Amar Ezzahi et Smail Henni de l’association Inchirah. Je peux dire que ma voie était toute tracée. Je suis réellement tombé dans la musique classique, quand mon père m’a inscrit à l’institut national de musique.
Quel a été votre parcours artistique ?
J’ai commencé mes études en musicologie, il y a 11 ans de cela. J’ai fait 3 ans de conservatoire où j’ai étudié l’andalous. A l’institut, j’ai appris la musique universelle. Je travaillais sur mon violoncelle de 8h00 du matin jusqu’à 16h00 ou 17h00.
Aujourd’hui, j’enseigne ma passion au conservatoire central d’Alger, au sein duquel j’ai crée une chorale. J’ai réuni des enfants âgés de 12 à 14 ans. Ils chantent du classique, en italien et en allemand.
Je pense que ce qui m’a aidé à être aussi assidu et rigoureux dans le travail a été mon désir de parcourir le monde. J’avais remarqué que les musiciens du chant andalous faisaient des tournées nationales, alors que ceux qui jouent de la musique universelle traversent les frontières.
Quand, en 1999, j’ai fondé la chorale polyphonique Amel-Algérie, dont j’étais le chef de chœur, j’ai eu le plaisir d’aller en tournées dans plusieurs villes algériennes, ce qui m’a permis de les visiter. A la même période, j’ai intégré l’orchestre philharmonique d’Alger, sous la direction d’Abdelwahab Salim. J’ai continué à en être membre sous la houlette du maestro Amine Kouider et ce, jusqu’en 2004.
Je garde de merveilleux souvenirs des tournées faites dans des villes françaises, telles Lyon, Paris et Strasbourg. Nous avons joué Shéhérazad de Nikolaï Andreïevitch Rimski-Korsakov et Carmina Burana de Karl Hoff. Nous étions accompagnés de la chorale polyphonique de Paris. Le même spectacle a été repris lors de l’inauguration de l’année de l’Algérie en France, en 2003.
Pouvez-vous présenter brièvement les autres membres qui forment le Quatuor ?
A la guitare, El-Hadi, étudiant au conservatoire central d’Alger, a participé au 3ème concours de musique scolaire, en 2006 et a obtenu le titre des meilleurs interprétations et arrangements.
Ahmed est violoniste. Il est aussi étudiant au conservatoire d’Alger et musicien à l’orchestre symphonique national, depuis 2007. Il a collaboré avec les musiciens de l’orchestre des jeunes du monde lorsqu’ils se sont produits, en Algérie. Il est arrangeur de Jazz, joue au piano, à la guitare, et a reçu la 2ème médaille du concours du conservatoire.
Le tromboniste est Tahar. Il est musicien au sein de l’orchestre symphonique d’Alger.
Quelles sont vos influences musicales ?
Mes compositeurs favoris sont les russes, Dimitri Chostakovitch et Modeste Petrovitch Moussorgski. L’un a fait de la musique impressionniste et l’autre est connu pour ses opéras inspirés des chants populaires.
J’adore aussi le jazz. J’ai même fait du piano-bar, à l’hôtel Hilton. Chick Corea, Mike Davis et Charlie Parker sont des jazzmen qui m’inspirent. J’écoute du Chaâbi et j’aime le couplage Chaâbi-Jazz qui donne un mélange de sonorités nouvelles, douces et entrainantes.
Comment avez-vous choisi les 4 partitions musicales, parmi toute la richesse de la musique classique ?
Les partitions choisies ont une jolie mélodie et la majorité des gens les fredonnent. Elles ont été également écrites par des compositeurs connus. Le choix s’est imposé de lui-même.
Selon vous, la musique classique a-t-elle un avenir auprès d’un public fan du rai et du gnawi ?
Il faut savoir que l’Algérie a été, pour de grands compositeurs, une destination privilégiée et a influencé, dans leurs orientations musicales, le français Camille Saint-Saëns et l’italien Gioacchino Rossini. Ce dernier a composé le célèbre opéra L’Italienne à Alger.
Notre pays est celui du Haouzi et du Malouf, mais de tout temps, nos écoles ont formé des prodiges de la musique universelle. Elle est la base des autres musiques et a un avenir partout dans le monde, y compris chez nous où des milliers de gens en sont amateurs.
Quels sont vos projets ?
Je voudrais faire du cinéma-musique, comme au temps du burlesque. Le principe est de doter les films de musique ; ce qui donne au récit, plus de rigueur dans l’émotion. Le projet est ambitieux, parce qu’il faut produire des structures musicales qui apportent une émotivité et qui soit en adéquation avec le thème du film.