empire du noir et blanc

21 Novembre 2012
Reporters
« Vibration, l’empire du noir et blanc »
Entretien réalisé par Hayet Kaced

Farid Benyaa, artiste plasticien algérien, né en 1953 à Sidi-Aich, est un peintre talentueux et attachant à la fois. Il ne refuse jamais les questions et parle de ses œuvres et de sa galerie comme d’une « passion tranquille, mais ardente ». Ses toiles convoquent le patrimoine et l’humain dans toutes leurs richesses. Sa galerie est une sorte d’agora fermée et cependant ouverte à tous les arts :
la peinture, bien sûr, mais aussi la sculpture, la poésie, la musique, la littérature dont il invite les meilleurs représentants à Alger et en Algérie. « Je veux créer des passerelles entre les arts ». Il ne croit pas si bien dire.

Jusqu’au 31 Décembre, sa galerie abrite 24 toiles qu’il décline sous des noms aussi magiques que « Gnawi », « Racine », « Emotion », « El khamsa », « Céleste », « Khalkhal » et autres pour restituer un univers qui lui est propre et qui nous est cependant si familier.

Reporters : Vous avez la particularité, sans doute rare en Algérie, d’être « galeriste » et plasticien reconnu pour la qualité de sa création. Comment faites-vous ?
Farid Benyaa : Je suis dans les arts plastiques et la peinture depuis longtemps. Le métier de galeriste est venu plus tard. La galerie que j’anime a ouvert ses portes le 23 novembre 2000. Je l’ai créée pour présenter mes œuvres. C’est important pour moi de disposer d’un tel espace parce que de tels lieux ne sont pas nombreux et l’art, sous quelque forme qu’il s’exprime, a besoin d’être montré au public.    

Douze ans après l’ouverture de votre galerie, vous exposez une série de toiles aux thèmes et forme variés. C’est une façon pour vous de fêter l’anniversaire de l’ouverture de cet espace ?
 On peut considérer, en effet, que c’est une façon pour moi, de fêter les douze ans de l’existence de la galerie. En ce qui me concerne, c’est surtout un moment où je devais faire la synthèse d’un travail de plusieurs et longues années de recherche intérieure. Avant, j’étais dans le figuratif : mes travaux représentaient La Casbah d’Alger ou j’ai travaillé en tant qu’architecte et en tant que témoin d’un patrimoine malheureusement en perdition. Ensuite, je suis passé au symbolisme.
Pendant la décennie noire, j’ai fait plusieurs portraits, souvent noirs, d’ailleurs où j’essayais de parler du quotidien de la femme. Puis, je me suis fondu dans des formes d’abstraction dont je livre quelques aspects à travers l’exposition que vous voyez devant vous. Vibration, c’est son nom, est un mélange de portrait de femmes, de formes abstraites, de symboles cachés et de figurines, dont l’intérêt, est de permettre à chacun d’interpréter une œuvre en fonction de son imagination et de son vécu.

Parlez-nous de ces figurines. Pourquoi le thème de la féminité y est-il décliné diversement ?
Parce qu’il est synonyme de richesse. Dans cette exposition, la femme est représentée selon des motifs où l’on perçoit les régions du pays, leurs caractéristiques culturelles, leurs couleurs, leurs traditions…. Y compris dans l’habit, les bijoux comme les bagues et les boucles d’oreilles ou même dans l’écriture comme Tifinagh qui offre, pour moi, des horizons extraordinaires de recherche et d’expérimentation en ce qui concerne le travail sur le signe. Dans l’œuvre que j’ai intitulé « Gnawi », le marqueur du patrimoine est la musique. Cette autre œuvre est une femme kabyle en tenue traditionnelle, où je reviens à l’ornement et au diadème qu’elle porte. Tout cela me permet de restituer dans des toiles la diversité de la culture et du patrimoine algérien. 

Vous parlez de couleurs, mais il n’y a que le noir et le blanc qui dominent…
Très juste, mais ce sont des couleurs pures, Je suis dans un espace qui se veut moderne et ces deux couleurs sont pour moi une marque de modernité et de profondeur, même si j’ai rajouté une autre couleur : le rouge. Ces couleurs-là touchent les yeux. Le rouge et le noir se marient parfaitement et le noir leur donne un surcroit de force.
Pour résumer, le noir et le blanc sont la synthèse de toutes les couleurs, le rouge leur donne un grain de folie.

Le mouvement, dont celui de la danse, est aussi un motif et un thème très présents dans vos toiles…
La musique, la femme, la danse, les vibrations, bref la vie, cela m’inspire beaucoup. J’adore tout ça et constitue pour moi des stimulants de création. Ce sont aussi des motifs d’optimisme, et je suis d’un esprit optimiste, que j’essaye d’imprimer à mes œuvres.

Quelles techniques utilisez-vous dans vos œuvres ?
Cela dépend de ce que je fais. Pour l’exposition Vibration, j’ai beaucoup travaillé à l’encre de chine et à l’aérographe, pour bien asseoir le noir et blanc et surtout avoir le relief dont j’ai besoin pour le portrait.

Un mot sur les jeunes plasticiens et le public…
Les jeunes ont beaucoup de talent, ils méritent d’être sous la lumière. Ce qui leur manque, c’est où s’exprimer, ce qui les frustres et leur fait perdre leur temps et parfois, gravement, leur vocation. Le public Algérien est sensible à l’art. Mais son quotidien est difficile. Pour le toucher, cet art doit descendre dans la rue et aller à sa rencontre. J’estime que l’école a une lourde responsabilité à ce sujet. C’est elle, qui doit former et sensibiliser l’enfant à l’art. Les médias aussi ont un rôle fondamental.

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